mardi 31 janvier 2012

Le journal de Souad : Empreinte à vie

Photo Marcel Mussen

Nora, marche avec nonchalance, son esprit de petite fille n'est pas libre.
Elle tient un petit objet en main et elle sent que si elle ne le tient pas très fort, quelque chose va à nouveau se perdre, alors elle maintient l'objet et se donne les moyens d'exister.
Le veut-elle encore ?

Sait-elle seulement que son désir de vivre est paradoxal, quand on

songe à la nonchalance avec laquelle elle traverse le monde ?

Elle regarde les enceintes de ce château qui fige son existence dans l'absence des siens.
Tout est ancré dans sa mémoire, son corps est un éternel aller-retour entre aujourd'hui et hier. Le présent, le futur, ont-ils un sens ? La douleur, le manque, l'absence, l’incompréhension, ces sentiments sont mitigés et doivent cohabiter au sein de son cœur , de son esprit, de son corps. Tout cela laisse une empreinte à vie. Si, et si seulement, on pouvait éviter les drames que cela engendrera, si, et seulement si, nous pouvions refaire le passé, celui qui détermine comment Nora aime aujourd'hui ?
Elle sait qu'elle souffre de ne pas se libérer, mais elle comprends sa vie de femme, elle reconnaît ce fonctionnement auquel son âme tout entière est attachée, elle sait que pour aimer elle est dans la souffrance, l'autre pour elle ne doit pas l'aider à s'accomplir, non, elle le veut pour se punir et elle l'a compris ce processus destructeur, elle cherche l'amour là ou il n'est pas possible d’être aimée et elle insiste dans sa blessure, elle se fait saigner et quand il n'y a plus qu'elle à tout tenter, elle se sent enfin libre et se répète : voilà il a aussi été lâche.
Elle a vécu sa vie de femme mariée en se laissant aimer et mépriser.
Elle sentait que c’était la seule façon qu'on lui avait donné d'exister : dans la souffrance.
Nora regarde cet objet, ses mains moites l'y oblige, elle s'arrête et constate que les autres enfants s'amusent, personne n'a cette attitude équivoque, ce bout de métal qu'elle tient n'a aucune valeur, aucune représentation dans la forme.
Elle l'a trouvé et l'a tenu.
Comme cela et soudain, elle décide de s'en séparer, de rejoindre les enfants qui partagent avec elle une période de leur existence.
Ils ne sont rien les uns pour les autres.
Ils ne sont rien pour leur famille durant cette période puisque les voilà livrés à des étrangers.
Un système qui écorche l'âme à vif.
Un sentiment d'abandon ravage tout sur son passage.
Il creusera tout au long de la vie de Nora.
Il forgera son caractère, il anéantira ses relations.
Les sœurs sont les entités essentielles dans ce château. Se sont elles qui sont institutrices, infirmières, gardiennes, etc.
Quelques monitrices travaillent aussi au sein de cet établissement.
Les garçons et les filles sont séparés. Frères ou sœurs, aucun avantage : on ne se côtoie pas.

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