vendredi 28 février 2014

Retour à la prison de Forest : les plaintes de détenus de 2009 et de 2014

Un article de Luk Vervaet (contact vervaetluk@gmail.com)

Un non-lieu pour des actes de torture et de maltraitance, commis en 2009, par la police de la Zone de Bruxelles Midi !

Ce qui s'est passé il y a cinq ans à la prison de Forest rappelle des pratiques dignes de Guantanamo ou d'Abu Ghraib. Il y avait un rapport détaillé de la très officielle «  Commission de surveillance de la prison de Forest » sur ces événements, qui se sont déroulés à cette prison en septembre et octobre 2009. Puis, sur les mêmes faits, il y a eu le rapport de 2010 du Comité pour la prévention de la torture (CPT) de l'Europe concernant la Belgique. Les gardiens de la prison étant en grève pendant plusieurs jours en
septembre et octobre 2009, c'est une équipe de la police qui a assuré le service à la prison. Composée de plusieurs volontaires pour ce genre de jobs, cette équipe avait littéralement pris possession de la prison, en mettant même de côté la directrice et des gardiens qui essaieront d'intervenir pour protéger des détenus. Des extraits de ce rapport du CPT seront repris par le journal Le Soir du 8 août 2010 sous le titre approprié  : « Quand la police « fait régner la terreur » à Forest ». Pour rappel, je vous invite à relire l'original de ce rapport du CPT de 2010.

«  Toutefois, ce ne sont pas les évènements de Lantin qui paraissent les plus préoccupants, mais bien ceux qui se seraient déroulés fin septembre et fin octobre 2009 à la Prison de Forest[40].

Le premier incident remonte au 22 septembre 2009, lors de la distribution du repas du soir au rez-de-chaussée de l’aile D de la prison. Un détenu interné, S.A, fragile sur le plan psychique, aurait reçu un coup de matraque de l’un des deux policiers de la Zone de Police Bruxelles Midi qui escortaient le détenu « servant », alors qu’il se penchait pour recevoir sa ration de pain, puis aurait été violemment repoussé dans sa cellule (N° 1026). Alerté par le bruit, deux autres policiers, qui se trouvaient au niveau supérieur, seraient descendus. Une policière serait restée dans le couloir en demandant au détenu servant de se tenir à l’écart et un autre serait entré dans la cellule. Le détenu aurait alors été frappé avec violence. Roué de coups, le détenu aurait tenté de se réfugier dans le fond de sa cellule, près de son armoire, et des tâches de sang au mur, à hauteur de la tête du détenu, témoigneraient de la violence des coups portés. Le détenu précisa en outre que toute sa cellule aurait été saccagée.

Le détenu « servant », témoin direct de l’incident, a indiqué que seul l’un des deux policiers qui accompagnaient la distribution du repas aurait frappé le détenu concerné, rejoint par l’un des policiers venu de l’étage. Le détenu « servant » a en outre précisé qu’avant de quitter la cellule, l’un des deux policiers se serait lavé les mains au lavabo de la cellule, alors que S.A. gisait à terre, inconscient. A deux reprises, le détenu « servant » aurait demandé aux policiers présents d’appeler un médecin, sans réaction. Finalement, un peu plus tard, le médecin de garde de l’établissement vint sur place, constata que le détenu se trouvait dans un état critique, et ordonna son transfert immédiat à l’hôpital d’Uccle. Le détenu serait revenu à la prison dans la nuit et mis au cachot, où il fut vu par le Commissaire du mois le lendemain, porteur de plusieurs points de suture à la tête. Il y resta deux jours, selon la direction de la prison, pour sa propre sécurité. Etant donné la grève en cours, le détenu concerné n’aurait pas eu la possibilité de s’entretenir rapidement avec son avocat (l’accès à l’établissement leur ayant apparemment interdit par la police pendant la grève).

85. Une deuxième série d’incidents se seraient déroulés les 30 et 31 octobre 2009. Une nouvelle fois, des policiers de la zone de Police Bruxelles Midi furent appelés en renfort afin d’assurer la sécurité dans la prison. Selon les propres termes du rapport de la Commission de surveillance, les policiers « se rendirent maîtres de la prison, en y faisant régner la terreur. Ils n’hésitèrent pas à exercer des menaces sur les directeurs et les agents pénitentiaires présents dans l’établissement qui voulaient s’interposer ». De plus, « certains policiers se seraient promenés cagoulés dans l’établissement afin qu’on ne puisse pas les reconnaître ». Ce rapport (daté de novembre 2009) énumère avec force détail plusieurs éléments s’apparentant à l’évidence à des mauvais traitements très graves et à des traitements dégradants :

- des policiers seraient entrés à cinq ou six dans la cellule de A. M., à l’aile D, pour l’emmener au cachot, tout en le frappant et en écartant une directrice qui voulait intervenir. Au cachot, ils l’auraient forcé à se déshabiller entièrement et à se mettre accroupi, tandis qu’ils le frappaient avec des matraques dans le dos et sur les testicules. Ils l’auraient alors obligé à répéter après eux des propos injurieux et blasphématoires, sans quoi ils continuaient à le frapper. Devant ses sanglots, ils se gaussèrent de lui : « Tu pleures comme une femme, maintenant ! » ;

- M.V. et K.V., deux détenus de l’aile D, auraient été emmenés au cachot, obligés de se déshabiller complètement, de se mettre accroupis, et auraient reçu de multiples coups de la part de policiers présents ;

- F. M., un détenu de l’aile A, aurait interpellé des policiers qui jouaient avec le jeu de cartes qu’il avait oublié dans l’aile. Leur ayant fait remarquer que c’était le sien et leur ayant dit « Vous pourriez le demander », il s’est entendu répondre « ferme ta gueule, chien ! », ce à quoi il aurait répliqué « vous n’êtes pas là pour jouer aux cartes … ramenez mon jeu de carte … vous êtes là pour faire du désordre ! » Il allègue qu’un policier féminin aurait voulu lui rendre son jeu de carte, mais que ses collègues masculins s’y seraient opposés et seraient rentrés dans sa cellule avec des boucliers et des matraques. Un surveillant serait alors rentré dans sa cellule pour calmer le détenu, mais aurait été écarté par des policiers qui l’auraient plaqué au mur et les policiers auraient mis des « colsons » au détenu et l’auraient emmené au cachot, en usant de violence, devant deux directrices. Selon les informations, l’une des deux directrices, qui aurait demandé de prendre une pince pour enlever les « colsons » au cachot, se serait fait agresser par les policiers. Le détenu aurait par la suite frappé au guichet de la cellule du cachot et aurait demandé un matelas. Une directrice et un surveillant seraient restés devant la porte de la cellule pour éviter que les choses ne dégénèrent. Ceux-ci partis, les policiers seraient alors rentrés dans la cellule, en auraient sorti le matelas, auraient forcé le détenu à se mettre à genoux et l’auraient insulté en utilisant des propos injurieux et blasphématoires. Le détenu aurait ensuite été changé de cellule de l’aile D à l’aile C - où il se serait retrouvé sans matelas ni couverture - par des policiers casqués et cagoulés qui lui auraient donné des coups de bouteille d’eau au visage, coups que le détenu aurait fait constater par le médecin de la prison ;

- des policiers s’en seraient également pris à l’un des leurs, détenu, L.M., qu’ils auraient harcelé toute la nuit, en criant aux détenus de son aile « voulez-vous qu’on vous livre un pédophile ? » et, n’en pouvant plus, ce dernier se serait ouvert les veines. Etant donné que les policiers auraient interdit aux surveillants présents d’effectuer leurs rondes la nuit, ce ne serait qu’à la reprise du travail, le lendemain à 6 heures du matin, qu’un surveillant aurait découvert le détenu gisant dans son sang.

86. Suivant les informations à disposition du CPT, le Collège de Police de Bruxelles Midi aurait fermement condamné, dans un communiqué de presse, les événements des 22 septembre et 30 et 31 octobre 2009. En outre, les faits incriminés feraient l’objet de cinq enquêtes différentes : une plainte avec constitution de partie civile du détenu dont question au paragraphe 84 ; une information judiciaire ouverte par le Parquet du Procureur du Roi de Bruxelles ; une enquête du « Comité P », menée à la demande du Ministre de l’Intérieur ; une enquête de l’Inspection Générale de la Police Fédérale et de la Police Locale, et une enquête disciplinaire interne de la Zone de Police de Bruxelles Midi.

87. Le CPT considère, à la lumière des informations recueillies lors de sa visite à la Prison de Lantin et lors de l’entretien de sa délégation avec un représentant de la Commission de surveillance de la Prison de Forest, qu’il est crucial que les autorités belges mettent rapidement en oeuvre sa recommandation, formulée à l’issue de la visite en 2005, visant à l’instauration d’un « service garanti » dans le secteur pénitentiaire. Il y va à la fois de la protection de l’intégrité physique et psychologique des détenus, dont les autorités belges portent l’entière responsabilité, mais aussi de la crédibilité de l’institution pénitentiaire et de son personnel, dans son ensemble. Le CPT en appelle aux autorités belges afin qu’elles mettent en place sans autre délai un « service garanti » au sein du secteur pénitentiaire.

De plus, le CPT souhaite recevoir des informations détaillées s’agissant des résultats des différentes enquêtes dont il a été fait mention ci-dessus ».1


Le 25 février 2014, le CPT vient de recevoir la réponse qu'il demande depuis 4 ans. En effet, cinq ans après les faits, et cinq commissions d'enquêtes plus tard, l'affaire passe devant la chambre du conseil du tribunal à Bruxelles. Le verdict tombe : il n'y a rien à reprocher à la Brigade de la terreur ! D'un revers de la main, ce tribunal a balayé les rapports de la commission de surveillance et du CPT. « Le parquet ne voyait aucune raison de poursuivre les policiers : il n'y avait pas assez de preuves que les agents avaient outrepassé leurs fonctions. Les images des caméras de surveillance de la prison auraient aussi contredit la version des détenus », peut on lire dans la presse.2 Résultat : les neuf policiers inculpés, dont deux avaient été suspendus de leur fonction après les incidents, ont bénéficié d'un non-lieu. 
S'il fallait une nouvelle preuve que du côté de l'appareil de répression c'est l'impunité qui règne, dans un climat d’indifférence de l'opinion publique lorsqu'il s'agit de la maltraitance des détenus, en voilà une. 
 
 
 
 
Une nouvelle plainte d'un Collectif de 18 détenus ! (Connaîtra-t-elle le même sort que celle déposée en 2009  ?)

En janvier 2014, 18 détenus à la prison de Forest de 6 nationalités différentes, se sont organisés en tant que Collectif. Ils ont envoyé une lettre (publiée en-dessous) au Procureur du Roi au Palais de Justice de Bruxelles. Le Collectif m'a envoyé une copie avec la demande de la publier. Les 18 ont tous signé la lettre avec leurs noms et prénoms, date de naissance et nationalité. J'ai leur permission de publier leurs noms, mais dans cette première publication je ne mentionnerai que leur prénom et la première lettre de leur nom, par respect et par protection, et en espérant que les autorités feront le nécessaire pour répondre à leurs demandes.
Si vous voulez exprimer votre solidarité avec leur action, merci de partager cet article. 
Si vous voulez leur écrire, merci de m'envoyer votre mot de solidarité et votre adresse à vervaetluk@gmail.com et vous recevriez certainement un mot de retour de leur part.

Luk Vervaet


"De : 18 détenus, Av. De la Jonction, Prison de Forest, 1190 Forest

: Monsieur le Procureur du Roi, Palais de Justice, 1000 Bruxelles

Objet : Plainte collective avec constitution de partie civile pour malversation financière, actes de cruauté, de barbarie et de coups et blessures volontaires, abus de pouvoir des autorités dans l'exercice de la fonction publique ;

Monsieur le Procureur du Roi

Nous, messieurs Fared M., Christophe G., Sofian I, Hassane B, Kamel R, Hamid C, Salandine I, Zakaria B, Bilal E, Mehdi Z, Otman E, Mohamed E, Bouziane B, Younes E, Mahomed B, Serkan G, Marvin Q, Bruno C
Tous actuellement détenus à la prison de Forest, nous souhaiterions votre intervention en tant que Procureur du Roi concernant les conditions de détention à l'établissement pénitentiaire de Forest ;

Des conditions qui visent volontairement à la destruction de l'individu et de sa dignité, sans opter les multiples « tabassages » de détenus orchestrés par des agents pénitentiaires (ASP), (liste des auteurs en annexe).
Néanmoins la population pénale est victime de sous-alimentation, liée à des malversations financières et comptables du budget du ministère de la justice, attribué à la nourriture de détenus ;

Nous, les requérants, souhaiterions déposer une plainte collective, avec constitution de partie civile pour :
- malversation financières actes de cruautés
- acte de barbarie
- coups et blessures volontaires
- abus de pouvoir des autorités dans l'exercice de la fonction publique

et ce auprès d'une juridiction pénale afin que cesse cette négation des lois belges et européennes ;

Les faits nr 1 :
détournement et malversation financière du budget alimentaire du ministère de la justice, attribué à la population pénale ;

Entre 5000 et 25000 euros sont volontairement détournés afin de combler le déficit budgétaire annuel du mess (restaurant du personnel pénitentiaire) ;
ce qui greffe irrémédiablement :

une alimentation non-conforme aux règles d'hygiène et d'équilibre alimentaire :
a. composition des repas à même le sol
b. distribution répétitive de viande de cheval
c. produits non variés (nous disposons des emballages et dates de distribution)
d. pain, riz, matières premières..infectés d'excréments de souris et de rats
e. tous les soirs distribution de « potages » composés de restes alimentaires
f. café du matin volontairement froid
g. la cuisine est infectée de cafards, de rats et de souris
h. détournement de nourriture par des agents en poste à la cuisine
i. avantages en nature par les fournisseurs et entreprises à l'égard du responsable cuisine

Cette gestion illégale est présente depuis de nombreuses années à la prison de Forest. Ces usages de détournements sont journaliers et enracinés dans une culture de malversation. Le responsable des cuisines en est l'auteur, sans l'aval ni la connaissance du chef de l'établissement ni du directeur ;
L'hygiène est profondément déplorable et la sécurité alimentaire totalement négligée, obsolète.
Tous les détenus ont des difficultés intestinales, diarrhées constantes, vomissement etc.

Les faits nr 2 :
Actes de violence répétés, provocations, insultes, abus de pouvoir des autorités dans l'exercice d'une fonction publique.

La surpopulation pénale ne peut pas justifier les violences, voir les « tabassages » que subissent les détenus ;
un grand nombre de détenus ont été ou sont victimes de violences orchestrées par une même équipe d'agents pénitentiaires qui effectuent leur « service » de l'après-midi ; leurs victimes sont souvent des jeunes au statut précaire et généralement étranger. Certains ne maîtrisent d'ailleurs pas le Français. Nous disposons de quantités de témoignages, certificats médicaux qui confirment cela ;
d 'ailleurs la commission de surveillance, le CPT, l'OIP et les divers intervenants extérieurs disposent de témoignages conséquents ;
nous précisons qu'au « Bain entrant » de l'après-midi, il est fréquent que ces mêmes agents « tabassent » les détenus ;
le 8 mars 2013 à 20.30h monsieur Fared M ayant refusé « la fouille à corps intégrale » et devoir montrer son « fondement » à l'aide de flexions-penchées, celui-ci étant grand père, a été frappé, menotté et trainé nu jusqu'au cachot et écoppé de 9 jours de cachots (plainte déposée auprès du procureur du roi nr du dossier BR 4399001811/2013) ;
En mars 2013, monsieur Bruno P a subi les mêmes violences, effectuées par les mêmes auteurs, les mêmes agents (ASP) (plante déposée auprès du procureur du Roi)
La liste des victimes est longue, ces agents de justice en poste l'après-midi disposent du soutien d'un responsable ;
les auteurs sont messieurs V.C (ASP), A.J. (ASP) et L.G.(ASP)
Nous souhaitons déposer une plainte collective pour coups et blessures volontaires, actes de torture, de barbarie, abus de pouvoir des autorités dans l'exercice de la fonction publique ;

Monsieur le procureur du Roi, nous souhaiterions votre intervention pour que cessent ces pratiques indignes et punissables.

Nous subissons déjà le trio en cellule, les épidémies de galle, de tuberculose, ne sous-alimentation permanente, une prison vétuste sans toilettes, sans points d'eau, des provocations et des insultes constantes, des conditions de détention dénuée de toute dignité humaine ;
et les tabassages sont un supplément de la vie carcérale. Seule une réponse pénale serait la réponse adéquate aux violences que nous subissons en permanence à la prison de Forest ;
notamment un contrôle sur les malversations financières du budget du ministère de la justice attribuée à la nourriture de la population pénale
Monsieur le procureur du Roi, nous souhaiterions que vous prenez acte du dépôt de notre plainte, qui ne serait que légitime.
Merci de pouvoir entendre ce petit collectif de 18 personnes, détenus à la prison de Forest, dans des conditions de détention qui vont à l'encontre de toutes les dispositions et plus précisément du respect de la condition humaine ; que justice se fasse.
Dans l'attente, Monsieur le procureur du Roi, nous rendrons publique cette plainte collective auprès des divers pouvoirs et autorités judiciaires compétentes ainsi que politiques,
nous vous prions d’agréer nos salutations les plus respectueuses,

Le Collectif
(Au verso les noms, dates de naissance et nationalité des requérants)

mardi 25 février 2014

POSTERWORKSHOP Ateliers urbains / Werkplaats stad : Atelier Prison Haren

Pour voir les posters et les objectifs de l'atelier, cliquez ici : SOURCE

Bref historique
Bruxelles: Le déménagement des prisons de St-Gilles et Forest est annoncé pour 2016. De nouveaux bâtiments doivent être construits sur le territoire de la RBC. Ils ne pallieraient pas à la surpopulation, mais se contenteraient de reloger le nombre de détenus incarcérés actuellement à St-Gilles et Forest, où le déménagement pose la question du devenir des 10 ha du site actuel.
La nouvelle prison (la plus grande de Belgique) prendrait place à Haren, à la fois sur le Dobbelenberg (dernière zone verte de détente du village) et sur des terrains en partie privés (ancienne usine Wanson) désormais rachetés ou expropriés. Total :  18 ha (8 bâtiments envisagés).
Le projet est présenté comme exemplaire et innovant. Il prévoit la construction de : 1 maison d’arrêt, 1 maison de peine, 1 annexe psy, 1 centre de détention limitée, 1 centre de jeunes mineurs, 1 bâtiment d’accueil, 1 complexe tribunal, 1 complexe de visite, 1 salle de sport, 1 centre de consultation médicale, 1 complexe administratif (hors prison), 1 centre logistique (cuisine, buanderie, ateliers de travail) + 300 places de parking pour les travailleurs et 150 places pour les visiteurs. Hors périmètre de sécurité : 1 centre ouvert pour femmes de 60 places pour des personnes en fin de peine, 1 magasin, 1 centre de repassage ouvert. Des salles d’audience seraient construites à proximité. Un consortium privé prendrait en charge l’entretien et certains services internes pendant 25 ans, avant de revendre à l’Etat (choix du consortium ce mois-ci).


Haren, à la limite de Diegem et Machelen (sur la frontière linguistique), est un village annexé par Bruxelles-Ville où petit à petit ont été reléguées des fonctions ingrates de la ville : la percée du canal, l’arrivée de plusieurs lignes de chemin de fer, puis la construction du ring ont participé à l’enclavement du village. L’implantation de différentes industries mais aussi une première base aéronautique, un pôle de haute technologie, l’OTAN (qui a une certaine époque comptabilisait plus d’employés que la population de Haren) ont largement contribué à défigurer le paysage. En 1969 la zone est déclarée inhabitable et suite à cela les investissements liés aux logements et à l’habitat sont stoppés. Par contre, d’autres projets ont continué à dévorer les parcelles encore disponibles : le dépôt de la STIB, plusieurs zonings industriels, le Diabolo en cours de réalisation, une future gare RER… Le tout généreusement survolé par les avions compte tenu de la proximité de l’aéroport.
Les habitants de Haren considèrent leur village comme une "poubelle de Bruxelles" et voient leur sentiment confirmé par ce nouveau projet. La zone est en train de s’urbaniser à grande vitesse. Enclavée, elle connaît un manque de services et des problèmes de mobilité. L’arrivée de 1190 détenus (pourquoi ce chiffre ?) et de 900 travailleurs est à mettre en relation avec les 4000 habitants actuels. Haren, qui actuellement ne compte pas assez d’habitants pour prétendre à avoir une borne Villo ou Mobib, est promis à une densification importante. La Ville souhaite tripler le nombre d’habitants (de 4000 à 12000).

dimanche 9 février 2014

Grande-Bretagne : Suicide à la Prison de Manchester


HMP Manchester - Grande-Bretagne

Suicides en détention. Il faudrait se préoccuper de tous les prisonniers,
déclare un ex-détenu...

Voici le témoignage d'un ancien détenu de la prison HMP Manchester (High Security Male Prison), paru dans The Guardian (07/02/14) : Deaths in custody review should look at all prisoners

Quand j'étais incarcéré, j'ai été témoin combien le désespoir conduit au suicide de détenus de tout âge, et pas seulement des jeunes...

« J'ai entendu un choc dans la cellule de Michael. Avant qu'ils viennent ouvrir, ça a pris une vingtaine de minutes.

Le gouvernement britannique a annoncé qu'il mettrait en place une commission d'enquête indépendante sur le décès des jeunes de 18 à 24 ans en détention. Je veux leur dire quelques petites choses sur les morts en détention, sur les décès des jeunes et des moins jeunes aussi.

Il y a deux semaines, je suis sorti de prison Manchester, après avoir purgé une peine de 10 mois pour vol de voiture. J'ai été détenu dans une aile réservée, une unité de désintoxication. Je n'ai pas de problème de désintoxication. On m'avait mis là parce que la prison était surpeuplée.

Je me suis lié d'amitié avec un gars, un type de 32 ans, un sans-abri. Il s'appelait Michael Delaney. Je l'avais vu mendier dans le centre-ville à quelques reprises, et je lui glissais quelque tune de temps en temps. Michael était sourd et muet. Il était en prison pour avoir contrevenu à une obligation lui interdisant d'entrer dans le centre-ville. Pourtant, c'était là qu'il avait toujours vécu.

Un vendredi de juin de l'année dernière, Michael a été placé dans une cellule juste à côté de la mienne. Il 22 heures passées. J'ai entendu un gros choc. Avant qu'ils viennent ouvrir ça a pris une vingtaine de minutes. J'ai entendu des appels, les gardes, et puis le verrou qu'on ouvrait. 

« Allez chercher le kit... » 
Je savais qu'ils voulaient parler du 'kit de première urgence', celui pour les suicidés. A présent, toute l'aile était réveillée et tous les taulards ont commencé à taper, à faire du bruit. Puis j'ai entendu un officier dire: « Il est trop tard, il est mort... »

Le lendemain, nous avons appris officiellement que Michael était décédé. J'ai été dégoûté d'entendre le personnel parler de sa mort. C'était comme s'ils avaient trouvé une souris dans une trappe de service. Parce que Michael était sans-abri et n'avait pas de famille, personne ne semblait s'en faire.

Le compagnon de cellule de Michael, Lee, m'a dit ce qui s'était passé. Il s'était endormi après l'extinction des feux. Vers 22 heures 15, il s'est réveillé et a vu Michael pendu à la barre supérieure de leur couchette double. Lee a appuyé sur la sonnette d'alarme et a essayé de soulever le corps de Michael, mais il m'a dit qu'il savait que déjà il était mort.

Manchester est une prison de catégorie A, les portes restent fermées pendant la nuit. Pour ouvrir, il faut qu'un maître-chien arrive. La porte de la cellule de Michael n'a pas été ouverte immédiatement.


Lee a remarqué qu'il était tombé un petit morceau de cannabis sur le sol. Il a pensé que Michael avait dû tirer un dernier pétard. Lee l'a remis aux surveillants, en disant que Michael l'avait laissé tomber. Lee a été laissé seul dans la cellule où Michael était mort. Le lendemain, il a été accusé et mis en examen pour possession de drogue.

J'ai travaillé dans cette prison : j'étais peintre, dans l'aile que j'occupais. Une semaine après la mort de Michael, ils m'ont demandé de passer un bon coup de blanc dans la cellule, en me disant que ça sera plus gai pour le suivant.

Selon une enquête, neuf hommes ont perdu la vie par suicide à la prison Manchester depuis 2010. Cela ne me surprends pas.

Même si je suis heureux que le gouvernement s'occupe des décès en détention des 18-24 ans, qu'en est-il des enfants de moins de 18, des vrais enfants ? Quand j'avais 16 ans, à la fin des années 80, j'ai fait 18 mois à Hindley, dans une institution carcérale pour mineurs. Je me souviens particulièrement d'un jeune garçon de Wigan qui s'est tué. Il devaut avoir 15 ans.


Je l'avais entendu dire que d'autres gars se moquaient de lui, je l'avais entendu pleurer dans sa cellule en arrivant. Sa nouvelle paire de baskets lui avait été 'taxée', comme on dit : il avait été assommé et ils lui avaient prise. C'était un endroit violent. Le personnel savait ce qui se passait, mais il fermait les yeux. Les gars les plus durs semblait toujours obtenir les bons jobs. Pendant que j'étais là, trois garçons se sont pendus.

Des Suicides se produisent encore dans des institutions comme Hindley. Il me semble que rien n'a vraiment changé. Mais le gouvernement ne cherche pas  à savoir plus loin. Différents organismes vont et viennent tout le temps, juste pour passer un coup de langue. Ils demandent aux gars s'ils sont susceptibles de s'automutiler. Presque tout le monde dit non. Aux yeux du système, nous sommes tous les mêmes, des perdants et les branches mortes.»
Marlon Hamer, ancien détenu de HMP Manchester - traduction Bruno des Baumettes

Source : The Guardian (07/02/14)
Lire aussi : PressTV (22/02/12) : Manchester prison suicide rate slammed
Mirror (09/05/11) : Inside Strangeways: Brutal reality of life inside notorious jail

SOURCE Bruno des Baumettes

jeudi 6 février 2014

Ali Aarrass : cinq ans de combat pour une victoire historique !

Victory IICommuniqué de presse du CABINET D’AVOCATS JUS COGENS : Me Dounia ALAMAT (GSM: 32.470.57.59.25 ; da@juscogens.be) – Me Nicolas COHEN (GSM : 32.470.02.65.41 ; nc@juscogens.be) – Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be)

6 février 2014
Affaire Ali AARRASS : Le Tribunal de première instance de Bruxelles enjoint au Ministre des Affaires Etrangères d’assurer la protection consulaire à son ressortissant, torturé et détenu au Maroc

Depuis son extradition illégale vers le Maroc[1], le 14 décembre 2010, Ali AARRASS, citoyen belge, clame qu’il a fait l’objet d’abominables tortures.

Ces actes barbares ont été confirmés dans un courrier de décembre 2012, adressé par le Rapporteur spécial des Nations-Unies contre la torture au Ministre de la Justice marocain, et rendu public en mai 2013[2].

Tout récemment encore, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies avait constaté que « c’est (…) sur la base d’aveux obtenus sous la torture que M. Ali Aarrass (…) a été condamné en novembre 2011 à 15 ans de prison ferme »[3].

Depuis son incarcération au Maroc, Ali AARRASS sollicite que la Belgique lui prête secours et assistance, au travers de l’aide consulaire.

Toutefois, le Ministre des Affaires Etrangères n’a jamais donné de suite favorable à sa demande. Ce 29 janvier 2014, interpellé par la Député Zoé GENOT, le Ministre des Affaires Etrangères a réaffirmé qu’il n’accorderait pas la protection consulaire à son ressortissant[4]. Concernant l’ « assistance humanitaire », il a expliqué qu’elle avait été exercée, sans expliquer les raisons pour lesquelles il estimait pouvoir clôturer son intervention vis-à-vis d’Ali AARRASS, toujours victime d’une peine et de traitements inhumains et dégradants.

Suite aux refus répétés et injustifiés de lui venir en aide, Ali AARRASS a cité le Ministre des Affaires Etrangères en justice afin de le contraindre à lui apporter l’assistance consulaire.
Victory 
Dans un jugement historique et courageux de ce 3 février 2014, le Tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé, a fait droit à la demande d’Ali AARRASS. 
Le jugement expose :
 « La protection consulaire vise principalement à la protection des droits individuels à l’étranger. Elle doit être entendue comme un mécanisme visant à ce que les droits reconnus à un individu puissent être effectivement garantis (…)
La protection consulaire est donc de nature à contribuer au respect des droits fondamentaux, comme celui garanti à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme (…)
 Un agent consulaire a le droit de communiquer avec son ressortissant mais ce droit peut se transformer en obligation, en vertu de l’article 1er de la Convention européenne des Droits de l’homme, si une violation à ladite Convention est alléguée et portée à la connaissance de cet Etat (…)
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 Il n’est pas contestable que ces traitements [torture] ont des répercussions sur l’état de santé mental et physique de M. AARRASS qui nécessiterait un suivi médical, actuellement. Cette seule circonstance justifie l’intervention du tribunal des référés. L’urgence ne peut être déniée lorsqu’une situation, qui est le fait de la violation de règles fondamentales qui ont trait aux Droits de l’homme empire par l’effet du temps (…)
 L’article 4 de la Convention de la Haye du 12 avril 1930 (..) ne règle pas les droits des parties au litige puisque le Maroc n’a pas ratifié ladite Convention (…)
 Prima facie, il n’existe aucune règle de droit international qui contraint l’Etat belge à ne pas intervenir dans le cas d’un binational (…)
 Il n’est pas contesté que l’Etat belge a apporté une intervention consulaire/humanitaire à l’égard de doubles ressortissants dans l’autre Etat de leur nationalité, même si les circonstances de l’intervention de l’Etat sont différentes d’une affaire à une autre (…)
PAR CES MOTIFS (…)
Enjoignons à l’Etat belge d’apporter sa protection consulaire à M. Ali AARRASS »
C’est la première fois dans l’histoire judiciaire belge qu’un double national obtient d’un Tribunal l’ordre de protéger son ressortissant hors de la Belgique. Face au calvaire subi par Ali AARRASS, il était temps que soit rappelé au Ministre des Affaires Etrangères qu’au XXIème siècle, on ne transige pas avec les droits fondamentaux pour d’obscures raisons, même quand il s’agit de préserver de bonnes relations avec le Royaume Chérifien du Maroc.

Le jugement de ce 3 février 2014 est exécutoire.

La famille, les proches et la défense d’Ali AARRASS espèrent dès lors qu’une visite du Consul belge au Maroc sera rapidement effectuée et que la Belgique prendra enfin ses responsabilités dans cette triste affaire.

 [1] Extradition réalisée par l’Espagne en contrariété avec une injonction du Comité des droits de l’homme de l’ONU du 26 novembre 2010, compte tenu du risque de torture encouru.
 [2] Voir pièce jointe
 [3] « Déclaration lors de la conférence de presse du Groupe de travail sur la détention arbitraire à l’issue de sa visite au Maroc », 18 décembre 2013, http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=14121&LangID=F (en annexe)
 [4] Chambre des représentants, Commission des Relations extérieures, Réunion du 29 janvier 2014, CRIV 53 – COM 0913